Pauline Karli Gygax : « Le format de la série permet de créer des productions de qualité »
Pauline Karli Gygax (Rita Productions, Genève) est la productrice éditoriale de la série Heidi coproduite par Eve Vercel (Dune, Paris) et diffusée sur la Télévision Suisse Romande (TSR) et France 2.
Propos recueillis par Patrick Claudet, novembre 2007
/script: Pauline Karli Gygax, qui est à l’origine du projet Heidi?
Pauline Karli Gygax: C’est Eve Vercel, de la société Dune à Paris, qui a souhaité il y a quelques années déjà réactualiser le mythe d’Heidi.
Quand et comment Rita Productions s’est-elle retrouvée dans l’aventure?
Nous avons rencontré Eve Vercel en août 2006 par l’intermédiaire de Philippe Berthet de la TSR. Elle souhaitait produire cette série en coproduction avec la Suisse et nous nous sommes rapidement lancés ensemble dans l’aventure.
Comment les tâches se sont-elles réparties entre Rita et Dune?
Comme le tournage s’est déroulé en Suisse et en France, nous nous sommes chacun occupés du financement, de la préparation et du tournage sur nos territoires respectifs. Par ailleurs, nous avons pu obtenir – mythe helvétique oblige – que les deux réalisateurs ainsi que des chefs de poste importants, tels que le directeur de la photo ou l’ingénieur du son, soient suisses. Nous avons cependant travaillé tout au long du projet en étroite et quotidienne collaboration, notamment pour le casting, les repérages, le financement européen, etc.
Pourquoi avoir décidé de retravailler tous les scénarios?
Quand Eve Vercel m’a demandé de les lire, lors de nos toutes premières rencontres, je leur ai trouvé beaucoup, beaucoup de problèmes. J’ai rapidement fait part de ce sentiment à ma coproductrice, et, dans un premier temps, nous avons tenté d’améliorer les textes avec les auteurs français, pendant deux à trois mois environ. Puis, constatant que cela ne fonctionnait pas comme nous le souhaitions, nous avons pris la décision radicale – et un peu folle – de rapatrier tous les textes en Suisse et de les faire ré-écrire partiellement ou complètement, selon les épisodes, par Stéphane Mitchell, heureusement disponible à ce moment-là.
De quelle manière avez-vous travaillé avec Stéphane Mitchell?
En effectuant de constants allers et retours, faisant le lien entre elle d’un côté, et, de l’autre, les réalisateurs, Eve Vercel et les diffuseurs.
Quelles sont les principales difficultés liées à l’écriture d’une série de 26 épisodes?
C’est une question qui s’adresse plutôt à Stéphane Mitchell, mais j’ai pu constater que la difficulté principale est de savoir comment développer et boucler des intrigues dans un temps aussi court. Ensuite intervient le nombre limité de décors et de personnages, ce qui influence forcément l’écriture. Par ailleurs, une difficulté résidait dans le fait de s’attaquer à un personnage comme Heidi, mythique bien sûr, mais aussi tellement positive. Comment conserver toutes ses qualités, sans pour autant la rendre mièvre? Eviter la mièvrerie a été l’un de nos challenges. Mais c’est un point sur lequel je faisais encore une fois entière confiance à Stéphane et à son humour parfois très corrosif.
Qu’est-ce que Stéphane a apporté au moment de la réécriture et de l’écriture qui n’était pas présent dans les premières moutures du scénario?
Du sens? Non, plus sérieusement, je dirais qu’elle a structuré les épisodes et resserré les enjeux, caractérisé de façon plus claire et tranchante les personnages, optimisé les épisodes en termes de nombre de décors, de personnages, etc. Et, surtout, elle a amené par ses dialogues l’humour, le côté piquant et parfois inattendu qui offre selon moi à cette série une véritable plus-value.
Quel a été votre rôle en qualité de productrice éditoriale?
Contribuer autant que possible à l’amélioration des scripts de départ, dans les limites des finances et du calendrier, trouver les bonnes personnes, conserver l’idée originale du projet tout en laissant à chaque fois que c’était possible toute latitude à Stéphane pour qu’elle puisse y trouver son compte. Permettre aussi aux réalisateurs d’apporter leur touche au projet et combler les attentes des diffuseurs. Le plus grand défi et la principale difficulté ont été pour nous de créer des scénarios qui conviennent à la fois aux cases «jeunesse» de France 2 et à la case prime time de la TSR. Contre toute attente, je crois que le défi est relevé.
Que pensez-vous de la volonté de la TSR d’inclure les séries dans le Pacte de l’Audiovisuel?
Cela me semble une démarche cohérente dans la mesure où elle souhaite cesser à moyen terme la production d’unitaires. Et à partir du moment où la production de séries est confiée à des indépendants enthousiastes et motivés, qui souhaitent réaliser des productions de qualité – ce que le format de la série permet réellement, notamment par la durée de narration permettant une complexification des personnages, chose plus difficilement imaginable en unitaire –, je n’y vois aucun inconvénient. Bien au contraire.
Pensez-vous qu’il existe en Suisse suffisamment d’auteurs capable de développer des séries?
Bien sûr qu’il n’y en a pas suffisamment, d’autant que Stéphane Mitchell est sous contrat exclusif avec Rita à vie! Je plaisante, mais, blague mise à part, je trouve qu’il serait important que les auteurs désireux d’écrire des séries puissent se former. Ça pourrait tout à fait être le rôle de la TSR ou de Focal de rendre cela possible.
Quels sont, selon vous, les avantages et les inconvénients de la série par rapport à l’unitaire?
Je n’ai encore jamais produit d’unitaire, je n’ai donc aucune nostalgie vis-à-vis de ce format, mais la grammaire du téléfilm demeure pour moi un défi intéressant. Je pense cependant que le gros avantage à produire des 26 minutes est que cela demande une telle créativité au niveau du financement et une telle rationalisation des dépenses que cette expérience peut être salutaire non seulement en unitaire mais aussi en cinéma. Cela permet, entre autres, d’éviter des dépenses inutiles et d’optimiser le plan de travail afin de laisser encore plus de temps et d’argent au film, à l’image, à la mise en scène.