Le début de cette année marque la fin d’une ère chez FOCAL: le président Thomas Geiser vient de quitter ses fonctions en tant que président de la Fondation, après presque dix-sept ans à la tête du Conseil et du Comité. Et Pierre Agthe a quitté la direction fin mars: il a géré les activités de la Fondation depuis sa création, il y a bientôt trente ans.
De nos jours où tout change vite, des engagements de si longue durée ne sont pas monnaie courante. Encore moins dans le domaine du cinéma, où le succès et l’échec se suivent de si près. De fait, ce ne fut pas un petit défi pour Pierre Agthe, nouveau venu dans la branche cinématographique, de faire valoir la formation continue auprès des professionnel·les de l’audiovisuel. Et ceci sans vraiment savoir, du moins au départ, quels contenus correspondaient à leurs besoins.
Mais il a pu compter sur l’appui des associations professionnelles fondatrices de FOCAL. Cette constellation a contribué de façon décisive à établir FOCAL au sein de la branche. Cela a toutefois nécessité une forte dose de ténacité, de «matière grise» et un questionnement constant du mandat de base: comment assurer la compétitivité de la branche et comment obtenir et maintenir le financement nécessaire pour accomplir cette mission?
Pendant l’ère de Pierre Agthe et de Thomas Geiser, les tenants et aboutissants de la politique cinématographique ont beaucoup évolué. Après un accueil positif, les pouvoirs publics se sont mis à douter de l’utilité de la formation continue pour les professions de l’audiovisuel. Avec l’exclusion de la Suisse du Programme MEDIA de l’UE, un autre danger se profilait : une importante part de financement risquait de tomber, et cela juste au moment où FOCAL venait de se faire une réputation en Europe et était perçue, grâce à une solide subvention structurelle en Suisse, comme une partenaire fiable. Thomas et Pierre ont su maîtriser ces crises de manière créative et avec une grande force de persuasion. De son côté, la Confédération a tenu ses engagements, une fondation sœur a été établie aux Pays-Bas pour garder un pied en Europe, et les Mesures compensatoires MEDIA permettent à FOCAL de conserver une bonne visibilité internationale.
FOCAL est devenue une institution avec un excellent réseau national et international. Ce réseau contribue grandement à ce que le cinéma suisse ait une perspective internationale qui n’est pas dictée par le haut. FOCAL est organisée de manière indépendante et sert de réservoir dans lequel la branche peut puiser des formations selon ses besoins. Les contenus de ces formations couvrent tant le cinéma et la télévision que l’environnement culturel et politique ainsi que les évolutions et innovations professionnelles et techniques. FOCAL est un projet des professionnel·les de la branche pour les professionnel·les de la branche. Il lui arrive d’aborder, à raison et de manière compétente, des thèmes qui concernent et questionnent la politique cinématographique. Ce large spectre est l’une des forces de la Fondation, qui ne se repose jamais sur les lauriers de ses prestations, aussi impressionnantes soient-elles, mais qui continue à défendre le rôle et l’importance de la formation continue comme lieu du renouvellement, du débat et de la réflexion critique.
Les bases de l’institution ont été posées par son premier président, Marc Wehrlin, en 1990, développées ensuite pendant plus de six ans par Corinne Siegrist-Oboussier et consolidées par Thomas Geiser. Toujours de la partie, Pierre Agthe et son équipe du bureau de Lausanne. Cette continuité est remarquable, et elle constitue un bon fondement pour la direction suivante, composée du nouveau président Mariano Tschuor ainsi que des nouvelles co-directrices Rachel Schmid et Nicole Schroeder.
Le départ ne sera pas facile pour Pierre. Il aime mettre les gens en contact, faire surgir de nouvelles idées. FOCAL a été son terrain de jeu, sur lequel se sont jouées des parties palpitantes au fil des ans. Après sa tournée d’adieu, il nous reste à souhaiter que sa contribution perdure et qu’il continue à faire entendre sa voix de façon constructive en faveur du développement du cinéma suisse!
Thomas restera proche du cinéma suisse en tant que membre du Comité des Journées de Soleure. Après son départ de la Commission fédérale du cinéma il y a trois ans, il se retire maintenant de FOCAL : appliquerait-t-il une stratégie d’adieux par tranches? Thomas est juriste, et certains juristes prennent très au sérieux le verset biblique «Au commencement était le verbe». Personnellement, je préfère m’en tenir à Brecht qui a dit «Ce qui compte, c’est le dernier mot». Et les mots venus du fond de la retraite sont toujours les bienvenus.
FOCAL continue son voyage avec de nouvelles idées et de nouveaux projets, sans oublier son histoire. Je lui souhaite de pouvoir le faire en gardant la tête froide... mais avec passion!
Ivo Kummer, Chef de la section Cinéma, OFC
FOCAL, janvier 2019